Claude Monet - La rue Montorgueil

Pour ne pas avoir à subir : « Ordo ab chao »

En près de 66 ans et vingt-cinq lois de révision constitutionnelle, l’exécutif a rompu l’équilibre politique de la Constitution du 4 Octobre 1958 pour restreindre les pouvoirs du législateur et ceux du peuple au profit du seul Président de la République et de l’appareil étatique. Et pour que le citoyen ne puisse s’opposer à cet excès de dérives constitutionnelles, les dirigeants successifs ont privilégié les réunions du congrès au référendum populaire.

Des « coups d’état » sans gloire, loin de celui du 18 Brumaire imaginé par l’Abbé Sieyès qui cherchait pour l’exécuter une épée qu’il trouva en la personne de Bonaparte. Mais ce coup d’état était la survie de la Révolution pour la paix et la stabilité du pays alors que les révisions constitutionnelles opérées « à l’insu » du peuple, cocontractant majoritaire, ont réveillé ses colères révolutionnaires. Aujourd’hui, nous n’avons plus ni Sieyès ni Bonaparte. Les siècles sont avares d’homme providentiel.

La Constitution définit les fondamentaux de la souveraineté nationale dans son titre 1er en posant, dans l’article 2, le principe de la République comme étant le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » et en confiant, dans son article 3, la « Souveraineté nationale au peuple » qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.

Par ces principes énoncés, à tous les postes d’autorité, nous élisons des représentants pour servir la France et le Peuple. Or, depuis quarante ans, nous confions nos destinées à des politiciens qui se servent de la France pour s’enrichir comme le faisaient l’aristocratie et le clergé avant eux. Pis, ils l’ont affaiblie en bradant ses fleurons industriels et parfois jusque dans le domaine stratégique (Alstom, etc.). Jacques Chirac (homme de gauche élu par la droite) dénonçait dès 1995 cette fracture sociale qui s’est agrandie au fil des années.

Qui est responsable de cette fracture sociale ?

Les dominants ?

Ces élites, élues, nommées ou autoproclamées composées :

– de la haute administration, cette « énarchie » déconnectée des réalités quotidiennes ;
– de la haute finance ;
– de la grande bourgeoisie ;
– de la presse subventionnée ;
– de tous les pouvoirs et corps constitués où sévissent des éléments « droits » dans leurs bottes ;
– des idéologues hystériques ;
– des athées bornés.

Sont-ce les méthodes du grand capitalisme mondial qui dicte au politique et capte les richesses générées ?

Les dominés ?

– le peuple qui aspire à vivre simplement mais décemment de ses gains du travail régulièrement confisqués par l’impôt et les taxes ?

Le peuple est-il coupable de regimber toujours aux réformes proposées dont il ne comprend pas toujours les effets qui ne s’appliquent qu’à lui-même et épargnent toujours leurs auteurs ?

Le peuple est-il responsable quand il refuse aux élites des efforts pour, trop souvent, engager des dépenses injustifiées et incontrôlées alors que la loi impose à tous une gestion en « bon père de famille » ?

En toute logique, chacun désigne le coupable dans le camp adverse.

La Constitution de 1958 est un costume « monarchique » taillé sur mesure pour le président de l’époque, le Général de Gaulle. Elle a fait de sa personne le garant de l’unité nationale et lui a donné le pouvoir sur les armées et la maîtrise des relations internationales (la politique extérieure). Elle a confié au 1er ministre et à son équipe (tous révocables) la gouvernance du pays selon les lignes tracées à l’Élysée (la politique intérieure). Le Président, irrévocable durant son mandat, détient depuis 1962 sa légitimité du suffrage universel direct contrairement au 1er ministre et aux membres du gouvernement, nommés, et servant de variable d’ajustement en cas de séisme politique.

Jusqu’au référendum de septembre 2000, l’équilibre politique était garanti par le septennat présidentiel opposé au quinquennat des députés. Le peuple pouvait alors corriger les déséquilibres en partageant le pouvoir entre majorité présidentielle et opposition…trois cohabitation entre 1986 et 2002 parce que les Présidents désavoués n’avaient pas eu le courage politique de démissionner.

Fidèle à la philosophie de « L’esprit des Lois » de Montesquieu, le législateur constitutionnel avait conservé le bicamérisme afin de modérer l’action « progressiste » parfois trop zélée de l’Assemblée Nationale en soumettant ses décisions au Sénat plus conservateur, plus sage.

Mais la chambre haute a t-elle encore aujourd’hui une action prépondérante dans le législatif ? Ne faudrait il pas lui rendre sa place de modérateur ?

Le quinquennat présidentiel a déséquilibré définitivement le partage des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif.

Alors qu’il y était farouchement opposé en 1999 : « Le quinquennat serait une erreur, et donc je ne l’approuverai pas », le Président Chirac, au début de la sixième année de son premier mandat et à l’initiative de Giscard d’Estaing, son meilleur ennemi, profite de la cohabitation Jospin pour imposer le quinquennat.

Consultés par référendum (l’une des rares fois), les électeurs n’évaluant pas les dangers de ce changement majeur, votent massivement pour. A contrario, cette victoire n’a pas la saveur souhaitée en raison d’un taux d’abstention record, près de 70%.

Désormais depuis, chaque élection présidentielle est accompagnée d’un renouvellement de l’assemblée nationale qui donne invariablement une majorité favorable au programme du nouveau locataire de l’Élysée. Et si cette majorité devait s’étioler jusqu’à disparaître, le président dispose de l’arme de dissolution avec l’article 12 de la Constitution actuelle.

Aujourd’hui, grèves générales, manifestations à répétition, colère du peuple, surdité des dirigeants, lois confiscatoires et liberticides, augmentations massives des taxes et impôts faisant de la France une triste « élite fiscale », « front républicain » privant la majorité des Français d’accéder au pouvoir par ses élus et depuis quelques années répressions violentes de chaque contestation, tous les ingrédients sont réunis pour que le chaos s’installe dans notre pays.

Demain, guerre civile, révolte ou révolution ?

De nombreux écrits sur les réseaux sociaux laissent présager le pire. Les commentateurs politiques et autres philosophes dont beaucoup sont plus intermittents du spectacle que commentateurs avisés, plus « influenceurs » que journalistes se succèdent dans les médias pour émettre une opinion toujours teintée de l’idéologie de la bien-pensance !

Or, les périodes de colères populaires sont toujours accompagnées de violences et de destructions des biens et créent des désordres économiques et financiers difficilement rattrapables. Les élites ne lâchent pas le pouvoir de manière spontanée. Elles utilisent toujours la force publique et l’armée pour régler des problèmes politiques, là où la sagesse commanderait la négociation.

Si l’Abbé Sieyès vivait à notre époque, dirait il :

« Qu’est devenu le peuple ? Rien ! Que doit-il être ? Tout ».

En effet, depuis 1958, lentement, les privilèges, pourtant abolis depuis la Révolution, sont redevenus la norme pour récompenser un ami, une relation utile, une connaissance bienfaitrice. Le capital de connivence a gangrené de nombreux marchés, ici en favorisant une société de BTP, là en intervenant au profit d’un laboratoire pharmaceutique.

Lentement, sous divers prétextes allant de la lutte contre le terrorisme, l’islamophobie, l’antisémitisme, la xénophobie, la haine ou pour faire taire les opposants à l’immigration massive, les libertés citoyennes ont été restreintes (libertés individuelle, d’expression ou de propriété, etc.). Zineb Al Rhazaoui, Eric Zemmour, Michel Onfray concentrent sur leurs personnes la vindicte des médias serviles ou des associations subventionnées spécialisées dans la délation officielle des réfractaires à la bien-pensance.

Lentement, la sécurité des citoyens dont la délégation au régalien est une obligation de la loi, s’est délitée pour aboutir à un renversement des valeurs par une victimisation de plus en plus fréquente des auteurs de crime ou délit afin d’atténuer ou de minimiser le préjudice des victimes. De nombreuses infractions qui auraient dû être qualifiées comme des crimes sont fréquemment correctionnalisées.

L’économiste et homme politique français Frédéric Bastiat dans son essai « La Loi » écrit en juin 1850, exposait que la Loi doit défendre les droits individuels :

« Si chaque homme a le droit de défendre, même par la force, sa Personne, sa Liberté, sa Propriété, plusieurs hommes ont le Droit de se concerter, de s’entendre, d’organiser une Force commune pour pourvoir régulièrement à cette défense. Le Droit collectif a donc son principe, sa raison d’être, sa légitimité dans le Droit individuel; et la Force commune ne peut avoir rationnellement d’autre but, d’autre mission que les forces isolées auxquelles elle se substitue. Ainsi, comme la Force d’un individu ne peut légitimement attenter à la Personne, à la Liberté, à la Propriété d’un autre individu, par la même raison la Force commune ne peut être légitimement appliquée à détruire la Personne, la Liberté, la Propriété des individus ou des classes. »

Aujourd’hui, la Justice est perçue comme inéquitable : ici, deux mois de prison ferme pour un « gilet jaune » détenteur d’une arme par destination (un marteau) et, là, quatre mois de prison avec sursis pour une agression sexuelle sur une mineure de 14 ans.

Insidieusement, le poison de la désunion s’est répandu dans la société entre les dirigeants et les citoyens. Plus grave, la population active, contributive de l’impôt sur le revenu, ne supporte plus cette redistribution sociale excessive et pénalisante en faveur de bénéficiaires devenus professionnels de l’inactivité ou d’immigrés économiques profitant des aides d’état dont l’importance excessive accentue dangereusement le déséquilibre des caisses sociales (l’AME). Pour autant, chacun comprend la nécessaire et légitime solidarité due aux personnes fragilisées par un accident de la vie. De même, la France doit rester le refuge des étrangers persécutés dans le monde.

Alors, doit on attendre un embrasement de notre belle France pour changer le contrat définissant droits et devoirs de chacun ?

Faudra t-il que le sang soit répandu sur le bitume des villes ou sur l’herbe des campagnes pour retrouver le chemin de la sagesse par un partage équitable de ces droits et de ces devoirs ?

Serait-il humainement acceptable de laisser mourir des citoyens pour obtenir cette juste équité ?

L’urgence de la situation commande que le Président de la République, garant de l’union des Français et de la paix dans la société, réorganise la concorde en définissant un nouveau contrat social, une nouvelle Constitution républicaine qui rendrait au Peuple sa place éminente puisqu’il représente à lui-seul le plus grand nombre de citoyens.

La souveraineté populaire doit être rétablie sur la base du référendum d’initiative populaire et du scrutin proportionnel des députés, justes préalables au partage des pouvoirs confiés par le peuple aux élites.

Redéfinir le Peuple et les élites dans la Nation :

Qu’est ce que le peuple ? c’est la Nation moins les élites.

Qui sont les élites ?

– Les citoyens élus à l’exclusion des fonctionnaires (sauf à démissionner définitivement) auxquels le peuple délègue les pouvoirs exempts de privilège lors des différents scrutins.
– Les citoyens nommés ayant mérité par l’effort personnel la reconnaissance de leur travail et leur nomination dans des postes éminents de la haute administration publique excluant tout favoritisme par le seul fait du prince ?
– Collatéralement, les élites autoproclamées (voir supra).

Qu’est-ce que la Nation ?

Dans son remarquable essai « Qu’est ce que le tiers-état ? », l’Abbé Sieyès, brillant acteur de la Révolution Française a écrit : « Nous l’avons dit : une loi commune et une représentation commune, voilà ce qui fait une Nation. »

Dans une conférence donnée à la Sorbonne le 11 mars 1882, Ernest Renan définit la Nation : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. »

La Nation est une union d’individus libres, attachés à l’histoire du pays par généalogie ou appropriation, voulant vivre un présent et un futur communs.

Notre système à bout de souffle ?

Il est patent que les élites actuelles sont très souvent, trop souvent, vaniteuses, méprisantes et, pour certaines, incultes quand elles ne sont pas arrogantes et menaçantes :

– Elles savent que les médias, propriétés des élites autoproclamées, font leur propagande (investissement calculé!) ;
– Elles bénéficient de la force publique, parfois très zélée, pour les protéger ; en attestent les blessures graves de nombreux gilets jaunes ou, plus avant, la répression violente de la « Manif pour Tous » ;
– Elles utilisent la Justice (composante des élites) qui a, depuis plusieurs années, parfaitement rempli son rôle d’administrateur de la fonction publique en prononçant des milliers de peines de prison avec ou sans sursis, d’amendes et de travaux dans l’intérêt général.

Cette justice, rendue au nom du Peuple Français, est encore très imprégnée de la harangue de Baudot et opte régulièrement pour être forte avec les faibles et faible avec les forts.

Le dossier « FILLON », pendant les présidentielles 2017, prouve que les politiques deviennent les otages de la Justice en pleine élection ! Justice opportune, Fillon éliminé moralement par les médias avant le premier tour permettait à Macron, icône « consacrée », d’affronter Marine le Pen (challenger indispensable au second tour) en grand champion virtuel jusqu’à sa victoire (ce fut le même scénario en 2022).

Pour se préserver de toute porosité ou collusion Justice/Politique, doit on envisager une véritable légitimité du corps judiciaire, notamment de la magistrature assise en organisant les élections de ses membres comme cela existe dans d’autres pays démocratiques !

En effet, nombre de carrières politiques semblent dépendre aujourd’hui du calendrier judiciaire. En révélant en temps opportun un dossier à scandale, la Justice influe sur le débat politique. Elle met le débat démocratique en danger.

Pour autant, les élites sont indispensables à la France car elles forment la colonne vertébrale de l’état et organisent la finance française et internationale ainsi que l’économie du Pays. Sous la « coupe » de ces élites, le peuple, qui se régénère par des migrations régulières, choisies et mesurées, d’individus ayant la nécessaire volonté si ce n’est l’obligation de s’assimiler, est immuablement l’âme et le corps de la France.

Mais il faut obtenir des élites détentrices du pouvoir, par élection ou nomination, un retour à la raison et à la justice pour renoncer à des privilèges indus, cause de cette fracture républicaine. Pour y parvenir, la « méritocratie » doit redevenir le seul ascenseur social en vigueur dans notre République. Exit les prébendes par des nominations à des postes somptueux et inutiles (ambassade des pôles, ambassadeur hors classe, conseiller d’état sans poste et autres fonctions à hautes indemnités).

Pour cela, la nomination des responsables des grands corps de l’état ou des entreprises sous sa tutelle doit être collégiale ou indépendante et non à la seule main du Président de la République.

Je ne doute pas que la définition d’une nouvelle constitution est un exercice périlleux car elle doit respecter l’Histoire de la Nation jusqu’aux droits de l’homme et du citoyen (l’existant) et la projeter dans un futur républicain assurant liberté, équité, solidarité, justice et souveraineté.

Un retour aux sources constitutionnelles originelles est indispensable pour rétablir partout l’ordre républicain dans l’esprit des lumières. Ainsi, comme Napoléon Bonaparte avant lui, et faisant fi de cette repentance hypocrite et clivante pour l’unité nationale, le Président de la République pourrait dire : « De Clovis à la Guerre d’Algérie, j’assume tout ».

Il est huit heures. Je me réveille en me demandant si j’ai rêvé ou cauchemardé. Comment ai-je pu un seul instant croire que le dominant élyséen condescendrait à changer la Constitution actuelle qui lui donne des pouvoirs illimités pour diriger notre Nation et profiter des ors des palais de la République, de ses serviteurs et de ses services ?

Ordo ab chao.

« Le sang va couler. La violence est fondatrice » comme l’a précisé souvent le sociologue Michel Maffesoli.

Le sang a toujours coulé pour que le Peuple puisse obtenir un retour à la justice sociale et un changement de gouvernance. C’est la seule méthode pour que les dominés fassent plier les dominants. Les « Gilets Jaunes » ont réveillé un peuple indolent parce qu’anesthésié par des médias hypnotiseurs qui amplifient régulièrement le discours infantilisant du Léviathan qui nous gouverne. Il est donc l’heure pour le peuple d’organiser une assemblée constituante pour écrire le nouveau contrat social afin de redéfinir l’organisation de l’état, les libertés individuelles et la tolérance selon les principes légués dans la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen » par les Révolutionnaires de 1789.


Publié

dans

par

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dernières tribunes ↗

Lire les dernières tribunes de nos contributeurs

France Souveraine ↗

Métamorphose de l’association politique France Souveraine

S’abonner ↗

S’abonner à nos flux RSS et JSON (Mastodon)